samedi 23 janvier 2010

Le messager Ernest Dawkins

• Saxophoniste alto et ténor, Ernest Dawkins vit à Chicago, reste à Chicago, respire Chicago depuis 1953. Peut-être est-ce à cause de ce biais géographique qu'il n'est pas aussi célébré qu'il devrait l'être. Trop souvent on a été agacé par ces commentaires réduisant son jeu à un autre exercice de Free-Jazz, alors que l'homme embrase toutes les traditions ou courants qui ont traversé l'histoire des sensibilités sonores qui ont habité aussi bien Charles Mingus qu'Albert Ayler ou Bobby Timmons. Dawkins est le musicien total. Tout en reprenant à son compte les balances rythmiques d'Art Blakey, les puissances de celles-ci, il n'hésite jamais à insérer dans ses solos les ponctuations de la rage qui avaient fini par miner Ayler.
• Toujours est-il qu'en compagnie de Maurice Brown à la trompette, Steve Berry au trombone, Darius Savage à la contrebasse et Isaiah Spencer à la batterie, membres de sa formation New Horizons Ensemble, Dawkins a enregistré un live au club fondé par le saxophoniste Fred Anderson, autre chicagoan, qui résume tout son art. De cet art qui allie le gospel au bop, le blues au free, l'intensité avec la préservation de la mémoire des anciens. Tous ses albums ont paru sur étiquette Delmark Records.

Les 75 ans de Down Beat

• La Corporation Hal Leonard combine l'édition de partitions, du jazz au classique en passant par le rock and roll, avec la publication de biographies ou essais sur la musique. En fait, la corporation en question est de loin plus imposante, de par sa taille, que ses concurrentes. Depuis peu, elle propose, en format moyen, un livre retraçant les 75 ans d'histoire du mensuel Down Beat à travers les entrevues que ce dernier a réalisées avec Louis Armstrong et Anthony Braxton, Keith Jarrett, Charles Mingus, Ray Charles; bref, avec tous les armateurs de la planète jazz.
• Des entretiens présentés, on a retenu cette anecdote de Dexter Gordon, surnommé Long Tall Dexter, et dont John Coltrane est le sujet. Après lui avoir confié combien sa technique était époustouflante, Gordon a alors exprimé un reproche: ton son est trop mince. Coltrane ayant acquiescé, son aîné lui a refilé une Rico no 5. La suite? Il suffit d'écouter Spiritual qui introduit le Live At The Village Vanguard.
The Great Jazz Interviews - A 75th Anniversary Anthology a été édité par Frank Alkyer et Ed Enright. Le prix? 25 $ sans les taxes.

Le plaisir de Bill Wyman

• Après avoir quitté les Rolling Stones en 1993, le bassiste Bill Wyman a rassemblé, au sein d'un groupe baptisé The Rythm Kings en référence aux moyennes formations des années 30, ses longues amitiés musicales: le chanteur et organiste Georgie Fame, le pianiste et également chanteur Geraint Watkins, les guitaristes Terry Taylor et Albert Lee, le batteur Graham Broad, les saxophonistes Frank Mead et Nick Payne, auxquels il a greffé une jeunesse, soit la chanteuse Beverley Skeete.
• L'éventail des styles ou genres qu'ils déclinent sur scène comme en studio va du swing des années 30 aux standards de Jerome Kern en passant par les ritournelles paresseuses de J. J. Cale ou celles toutes en densité de Ray Charles. La règle des Rythm Kings: jouer pour notre plaisir. D'abord et avant tout. Ce n'est pas de l'égoïsme, mais bel et bien de la franchise. Le clip ci-dessous a été enregistré au Festival de blues de Lahnsteiner en novembre 2009.

jeudi 21 janvier 2010

Muddy Waters et le collectionneur

• Malin! Histoire de contourner l'accessibilité aux trésors de son catalogue pour des roupies de sans-sonnet quand ce n'est pas le piratage, Chess Records de concert avec Hip-O Select recycle ses richesses en ciblant le collectionneur. Après avoir publié le volume 1 des Complete Chess Masters enregistrés par Muddy Waters, voilà qu'on propose le volume 2 en nombre égal au premier, soit 1 000 copies pour le monde entier.
• Cette suite couvre les années 1952 à 1958. Le producteur? Willie Dixon qui bien évidemment est à la contrebasse. Little Walter est à l"harmonica quand ce n'est pas James Cotton, Otis Spann est au piano, Jimmy Rogers est à la guitare et Francis Clay à la batterie. Le programme musical vaut particulièrement pour la conjugaison de pièces connues avec celles qu'oublient toujours ceux qui ont confectionné la pléthore de compilations consacrées à Waters. L'iconographie du livret est aussi riche que soignée. Le texte de présentation? Il se distingue par un souci prononcé pour l'histoire des aventures du compositeur de Got My Mojo Working.
• Le défaut? Le cartonnage des deux compacts inclus est si serré qu'il faut le déchirer en partie pour les extraire. Quoi d'autre? la fonte des caractères est... maigre! Mais bon, le prix, vue la qualité de l'enregistrement et surtout des morceaux réunis, est BON.

So Jazz 02

• Les fidèles lecteurs des mensuels JazzMan et Jazz Magazine ont certainement râlé, deux fois plutôt qu'une et avec raison, tout au long de l'automne 2009 pour la bonne et «platte» raison que ces revues avaient disparu des rayons. Ces absences ne relevaient pas d'un vice de distribution auquel nous sommes coutumiers, mais bien d'un bouleversement conséquent à l'implosion des mécanismes économiques découlant, lui , de l'addition du iPod au «ouaibe», au emusic, à Amazon et tutti quanti.
• Toujours est-il que le vénérable Jazz Magazine a absorbé JazzMan, fondé par d'anciens collaborateurs du premier ou de Jazz Hot, alors que simultanément une nouvelle publication était créée. Son nom? So Jazz. Pour son deuxième numéro désormais disponible de ce côté-ci de l'Atlantique, la rédaction propose une entrevue avec Keith Jarrett, d'autres avec Anouar Brahem et le batteur Alvin Queen, qui s'est installé en Suisse, un dossier consacré à Frank Sinatra et intitulé Génie ou truand, en plus de chroniques sur les récentes parutions, des nouvelles, etc.
Seul bémol: la brieveté de certains entretiens. Le prix? 9,50$.