samedi 27 février 2010

Show du samedi: R. Coltrane et G. Allen

Ravi Coltrane a une qualité immense: il est le saxophoniste des emportements. Cela est d'autant plus précieux qu'il en manque passablement, des emportés. Geri Allen a eu une qualité singulière: elle est une pianiste habitée. Cela devrait être d'autant plus prisé qu'aujourd'hui trop de pianistes sont sages. Les voici tous les deux, accompagnés par le contrebassiste Drew Gress et le batteur E. J. Strickland, en direct du New Jersey.
• P.-S.: le show d'une heure et quelques minutes débute après une présentation de deux minutes et des poussières de temps.

Down Beat chez A. Jamal

• À Pittsburgh sont nés de très grands pianistes: Erroll Garner, Mary Lou Williams, Dodo Marmarosa et Ahmad Jamal. Pour composer son numéro du mois de mars, le magazine Down Beat s'est invité chez lui dans le Massachusetts. Après comme avant cette rencontre, le journaliste qui signe ce portrait s'est entretenu avec Randy Weston, Bill Charlap, Lewis Nash et Jack DeJohnette. Et alors? On réalise, comme si besoin était, que Jamal est un musician's musician.
• Jamal mis à part, le mensuel nous propose des articles sur la pianiste Hiromi, le saxophoniste Michael Moore ainsi qu'un papier passionnant sur le bouleversement qu'ont provoqué les nouvelles technologies sur le travail, la fonction de producteur.

Entre jazz et java

• Fallait y penser! Rassembler sur une même scène Edith Piaf et Billie Holiday par Galliano et Marsalis interposés, c'est ce qu'on peut appeler un exercice de style conçu à l'enseigne de l'originalité. Le résultat, en tout cas, est réussi. Les deux virtuoses, car ils en sont, comblent les voix des deux chanteuses de la gravité en dialoguant avec une conviction et un plaisir évidents. Là où les mots, souvent ceux de la mélancolie, avaient été posés, le trompettiste et l'accordéoniste déploient des notes avec juste ce qu'il faut de sensibilité. Autrement dit, ils ont évité le piège du racolage que suppose l'exercice en question.
• Comme il nous y a habitués depuis le début des années 80, Marsalis s'est entouré de sacrés instrumentistes. Le pianiste Dan Nimmer, dont le visage rappelle étrangement celui de Bill Evans jeune, le contrebassiste Carlos Henriquez, qui balance à merveille, le batteur Ali Jackson, qui ponctue avec assurance, et le saxophoniste Walter Blanding, dont on a apprécié d'autant plus la sonorité qu'elle fait écho à celle de Don Byas et de Coleman Hawkins, qui a tendance à disparaître. Bref, Blanding est pour ainsi dire la contradiction du son sec d'un Chris Potter et autres souffleurs qui ne sont toujours pas parvenus à dépasser les techniques apprises sur les bancs d'école.
• Le programme, on s'en doute, est fait des classiques qui ont fait la renommée de Piaf comme celle de Holiday: La Foule, Them There Eyes, Padam... Padam, What A Little Moonlight Can Do, Billie, écrite celle-là par Galliano, Sailboat in the Moonlight, L'homme à la moto, le terrible Strange Fruit et bien évidemment La vie en rose.
• Enregistré live au Festival de jazz de Marciac, soit au royaume des confits de canard, ce compact qui s'accompagne d'un DVD, en fait il s'agit de la captation visuelle du show, a été publié sur étiquette JIM. Il est distribué par Harmonia Mundi. À noter que le réalisateur du DVD n'est nul autre que Frank Cassenti, qui a signé des portraits de Miles Davis, d'Archie Shepp, sans oublier ses fictions comme La Chanson de Roland ou L'Affiche rouge.

jeudi 25 février 2010

Y'a de la joie

• Par un hasard tout ce qu'il y a de pur, on est tombé sur un bonheur dont la mécanique temporelle nous certifie qu'il s'étale sur 1 heure 14 minutes et un chapelet de nanosecondes. Il a un nom, le bonheur en question, The Best Small Jazz Bands. Autrement dit, en langue franc, il s'agit des meilleures petites formations jazz et non le meilleur des petites formations. Ce bonheur se présente sous la forme d'un double compact édité et publié par l'étiquette Frémeaux & Associés.
• Mais encore? C'est bien simple, l'architecte de cette production, il s'appelle Jacques Morgantini, a rassemblé 36 perles poncées par Fats Waller, le chantre d'histoires parfois salaces, Arnett Cobb, Buddy Tate, Illinois Jacquet, le trop oublié Joe Thomas, soit les ténors tendance gros son, son long, Louis Armstrong, Cootie Williams, Roy Eldridge, Hot Lips Page, soit les trompettes de la renommée bien embouchée, Louis Jordan, Fats Domino, T-Bone Walker, soit les chanteurs qui nous signalent que «les femmes s'enflamment». Sont également de la partie, Art Tatum, Albert Ammons, Django Reinhardt, Bennie Goodman, Lionel Hampton, John Kirby, Roy Milton, lequel nous enseigne que les «nombres» ont eux aussi «le blues», et autres cantonniers de l'époque classique du jazz.
• Les pièces choisies par Morgantini s'étalent de 1936 à 1955. On le répète, c'est du bonheur, d'obédience simple. On se régale, on se bidonne autant qu'en lisant Travelingue de Marcel Aymé ou Le beaujolais nouveau est arrivé du père Fallet, dit René. Toutes ces musiques sont autant de contradictions au spleen, au mal de vivre, au papoutage de nombril, qui affectent tant le petit-bourgeois et sa bourgeoise. De bout en bout, la cadence se confond avec chaloupée.
• Pour cette copie d'occasion, on a déboursé 20 $. CQFD: on ne connaît pas le prix du neuf. Mais bon, comme on sait que Frémeaux & Associés ont un représentant de ce côté-ci de l'Atlantique, il est facile de le commander chez votre disquaire habituel. Achetez-le! Ça vaut son pesant d'or. Mettons un or équivalent en valeur aux bonus accordés par Goldman Sachs à ses sorciers. C'est dire.

mardi 23 février 2010

Actualités montréalaises

• Dans le cadre de la série Carte blanche de la Maison de la culture Côte-des-Neiges, allouée ce mois-ci au contrebassiste Normand Guilbeault, ce dernier présentera son show Mingus qu'il décline depuis des années en compagnie de Jean Derome aux saxes et à la flûte, de l'incisif Normand Devault au piano, de Mathieu Bélanger à la clarinette basse, d'Ivanhoe Jolicoeur à la trompette, de Claude Lavergne à la batterie, de Jean Sabourin au sousaphone et de la chanteuse Karen Young pour certains morceaux. À compter de 20h moyennant un laisser-passer.
• Petit rappel: le pianiste Marc Copland se produira demain soir à L'Astral en compagnie du quartet formé par le contrebassiste Adrian Vedady. À compter de 19h30. Prix du billet: 16,50 $.

Monk: prise 1

• Jusqu'à présent, Thelonious Sphere Monk avait été l'objet de deux livres écrits en français. Le premier, signé Yves Buin, fut publié en 1988 aux éditions P.O.L. Le second, paru en 1996, fut rédigé par le pianiste Laurent de Wilde. Il est disponible chez Folio. Paradoxalement, en anglais Monk n'apparaissait pas sur le radar des biographes jusqu'à ce que Robin D.D. Kelley, professeur d'histoire à l'Université de la Californie du Sud, s'attelle à la tâche.
• Le résultat de son travail est à l'image du soin évidemment méticuleux que Kelley a observé tout au long de ses recherches et non de sa recherche. Le résultat (bis) est énorme. C'est d'ailleurs à se demander si le fruit de son labeur qu'il propose aujourd'hui aux éditions Free Press ne serait pas d'ores et déjà la biographie totale. Plutôt que de livre, faudrait parler de brique.
• Le bouquin comprend 588 pages dont 99 pages de notes (!) imprimées en petits, trop petits caractères. D'ailleurs, le seul reproche que l'on peut formuler est le suivant: la fonte choisie par l'éditeur est une illustration de l'avarice. Ouais... elle est maigrelette, la fonte.
• Reste que ce Thelonious Monk - The Life And Times of An American Original est un régal. C'est très détaillé, très précis, très instructif. Comme on n'a pas encore achevé la lecture de ce livre monumental parce que le sujet l'était et le demeure à jamais, on y reviendra dans Monk: prise 2. Le prix? 40 $ sans les taxes. Désolé, on ne se souvient pas du montant exact.

dimanche 21 février 2010

Les samedis de Levon Helm

• Tous les samedis, enfin presque, Levon Helm, le batteur, LE chanteur de The Band, reçoit chez lui à Woodstock. Pour être exact, dans le cadre des Midnight Ramble Sessions, il invite des musiciens qui inclinent vers le blues, le folk, le terre-à-terre. Au fil des ans récents, il a reçu dans son studio Dr John, Emmylou Harris, Little Sammy Davis, Hubert Sumlin et une floppée d'éclaireurs. À ses côtés, il y a, samedi après samedi, sa cohorte de fidèles, dont Amy Helm, sa fille, à la mandoline, à la guitare et à la voix, Teresa Williams à la guitare et au chant, Steve Bernstein, le trompettiste de SexMob et de la diaspora, Eric Lawrence, saxophoniste, Byron Isaacs à la contrebasse, Brian Mitchell aux claviers et, surtout, surtout, Larry Campbell, guitariste et violoniste, qui après avoir joué aux côtés de Bob Dylan pendant des lunes est devenu un producteur très apprécié. C'est Campbell qui a coordonné le Dirt Farmer, qui a remporté un Grammy, et le Electric Dirt de Levon.
• Tout cela pour vous conseiller vivement d'assister aux shows des Midnight Ramble Sessions qui se tiennent, on le rappelle, dans son studio, sa maison. Maintenant, la popularité de ces sessions étant prononcée, toutes celles qui sont à l'affiche jusqu'au 13 mars y compris sont sold out. Par contre, le 20 mars ainsi que le 27, des places assises sont toujours disponibles. À noter que le 20, le duo formé par les frères Wood, duo porté vers le blues le plus acoustique qui soit, se produira en première partie. Et alors? Chris Wood est également le contrebassiste de Medeski, Martin and Wood. Après eux, Levon jouera en compagnie de l'harmoniciste et chanteur de vieux blues Little Sammy Davis. Prix du billet? 150 $ US. Sur le site levonhelm.com, il suggère un certain nombre d'hôtels et motels. Pour se rendre à son studio, il faut compter 4 heures, 4 heures 30 de route à partir de Montréal.

McBride rencontre Roberts

• En l'absence de la pianiste Marian McPartland, qui dialogue avec les «jazzeux» depuis plus de trente ans, le réseau NPR, en fait la radio de PBS, a demandé au contrebassiste Christian McBride de la remplacer. Son invité? Le pianiste Marcus Roberts, qui se fit connaître au début des années 80 alors qu'il était membre du quintet de Wynton Marsalis avant d'installer, si l'on peut dire, sa réputation en publiant Alone With Three Giants sur étiquette Novus. Les géants? Jelly Roll Morton, Duke Ellington, Thelonious Monk. Au cours de cet entretien, il confie comment il a rencontré Marsalis, il évoque John Coltrane, Sonny Rollins et décline évidemment sa passion pour le jazz classique. Quoi d'autre? Entre deux réponses, il joue live et notamment du Duke Ellington.