samedi 12 juin 2010

Le phénomène Trombone Shorty

Troy Andrews, surnommé Trombone Shorty, est un phénomène. De cet instrument, il tire les notes de la fougue, de l'énergie, de la chaleur et de la sensualité. De la trompette, il extrait les aigus qu'affectionnait tant Louis Armstrong. Comme ce dernier, Shorty est de La Nouvelle-Orléans. Et comme beaucoup de musiciens de cette ville, il a commencé son apprentissage dans les fanfares qui rythment le Mardi-Gras comme les mises en terre.
• À l'image des Neville Brothers, Allen Toussaint, Dr John et quelques autres, Shorty joue du vaudou. Il ne joue pas du jazz, puis du funk, puis du blues, puis du cubain, parce que lui et son groupe Orleans Ave les jouent tous en même temps avec un dynamisme et un enthousiasme qui aiguisent les nerfs de la danse. Car elle se danse, la musique de Troy Andrews. Elle est aussi chaloupée que chaleureuse.
• Les mauvaises langues, les bourgeoises s'entend, le trouvent vulgaire. Pour se convaincre du contraire, il suffit d'écouter son album Backatown publié par le label Verve et auquel ont participé Allen Toussaint, Lenny Kravitz et Marc Broussard. Sa formation comprend six musiciens refusant à l'évidence le retranchement dans un style, une catégorie. À l'image de leur leader, ils sont tous des alchimistes.
• La prise de vue du vidéo qui suit est comme-ci, comme-ça. Par contre, après l'intro d'une minute à la batterie, ça décolle à la vitesse grand V. Le morceau qu'ils interprètent est le morceau-titre de l'album.

jeudi 10 juin 2010

Live At The Vanguard: W. Escoffery

• Saxophoniste ténor, Wayne Escoffery a comme chacun d'entre nous commis des fautes de goût. La sienne est au fond banale: il est venu au jazz grâce ou plutôt à cause de Kenny G. Heureusement pour lui comme pour nous, l'immense Jackie McLean l'a dévergondé avant que le trompettiste Tom Harrell lui apprenne l'art du peaufinage. Toujours est-il qu'aujourd'hui Escoffery s'affiche comme un émule, un héritier plus ou moins direct de Dexter Gordon.
• Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter sa prestation d'hier au Village Vanguard. Ceux qui ont entendu le Gordon des années 70, celui du retour aux States, reconnaîtront en Escoffery les accents choisis ces années-là par Long Tall Dexter. C'est bon, c'est tout bon. Dans les rythmes rapides comme dans les ballades. Escoffery est accompagné par le pianiste Kevin Hayes, le contrebassiste Joe Martin et le batteur-historien Billy Drummond.

mardi 8 juin 2010

Monk par les autres

• Chez Monk, un contingent aujourd'hui imposant de musiciens a puisé de quoi confectionner un album au complet. On pense notamment au pianiste Tommy Flanagan et au saxophoniste Bennie Wallace. Depuis peu, l'étiquette High Note propose quelque chose de plus inusité: un album regroupant des musiciens divers qui déclinent des thèmes du Grand Pirate du «bi-beaupe». À ce que l'on sache, cette parution intitulée Music Of The Sphere – Thelonious Monk Songbook ne peut se comparer qu'au travail effectué par Hall Willner il y a plus de trente ans de cela.
• Toujours est-il que le High Note rassemble des morceaux interprétés par Frank Morgan, Larry Willis, Larry Coryell, Arthur Blythe, une grande formation emmenée par le saxophoniste David Binney, Bob DeVos, Houston Person, la très regrettée Mary Lou Williams, Eric Alexander et Eric Reed. Le programme? Si on vous confie qu'il commence avec Morgan s'appropriant I Mean You, vous devinerez le reste.
• Cela précisé, ce disque a ceci d'intéressant qu'il est hétérogène. Qu'il est une contradiction de l'homogénéité. Entre le classicisme de Morgan et le tout électrique de Coryell, entre le dynamisme de Willis et l'approche festive de Blythe, entre la sobriété de Williams et la deconstruction de Binney, la sensualité de Person et le respect d'Alexander, ce que High Note met en relief est ceci: les pièces de Monk favorisent la prise de risque. L'esprit d'aventure. C'est très chouette de l'avoir rappelé.

dimanche 6 juin 2010

Le centre des fanfares

• Il y a les fanfares qui rythment les efforts des joueurs de football universitaire tous les dimanches d'automne de ce côté-ci de l'Atlantique comme de celui du Pacifique. Il y a celles qui rassemblent les gauchos comme celles qui regroupent les servants des toréadors. Il y a celles qui défendent les accents balkaniques et celles des chasseurs alpins italiens, sans oublier celles des gendarmes de la République, versées en commémorations historiques. Il y a les lointaines suédoises et les bavaroises enclines à laisser s'exprimer les accords populaires de l'accordéon. Il y en a beaucoup d'autres qui animent les bals de pompiers en Hongrie ou en Belgique.
• Si on l'aborde par la face géographique, le sujet du jour, c'est qu'il y a l'autre. Celle qui se distingue de toutes les autres parce qu'elle est le point de convergence de ces dernières. Elle n'est certainement pas la seule à être le croisement des points cardinaux des fanfares. Mais bon... on ne les connaît pas, les autres. Alors qu'on connaît bien la Pourpour. Siège social? Montréal.
• Eh bien, la Pourpour, elle vient de publier un chef-d'œuvre du genre musical qui marie la marguerite aux légendes des cabanes à sucre, à la faconde gitane, aux ponctuations orientales, aux mélancolies climatiques du Nord, qu'il soit kanadian ou «sue-et-doigt», avec bien d'autres objets non identifiés dans l'univers des paillettes et du strass. Le titre du chef-d'œuvre en question? Danse des breloques.
• Lorsque tel morceau est joyeux, tel autre est cinématographique, lorsqu'il n'invite pas à la danse dans sa version java sans la javanaise ou vous mène dans le détroit du Bosphore dont nous sont revenues certaines gammes au lendemain de la bataille des Dardanelles. On pourrait en rajouter long, très long.
• S'il en est ainsi, si cet album est un tourbillon d'horizons divers mais fort bien touillés par des musiciens qui sont des maîtres dans leur partie respective, c'est qu'elle est vieille, la Pourpour, elle a de l'expérience. Beaucoup. Et comme Lou Babin, accordéoniste et animatrice de l'ensemble, connaît depuis des lunes le saxophoniste, compositeur oulipien, Jean Derome, le contrebassiste beat Normand Guilbeault, le trompettiste Némo Venba, les saxophonistes Claude Vendette, Stéphane Ménard et Damian Nisenson, les guitaristes et banjoïstes Luc Proulx, Roy Hübler et Dany Nicholas, l'accordéoniste Luzio Altobelli, les violonistes Marie-Soleil Bélanger et Guido Del Fabbro ainsi que les percusionnistes Pierre Tanguay, Jacques Duguay et Nicholas Letarte, comme ils se connaissent donc depuis longtemps, c'est pile-poil, right on time. Bravo! Mille fois bravos et autant de mercis. Danse des breloques a paru sur étiquette Dame/Monsieur Fauteux m'entendez-vous, rattachée à Ambiances magnétiques. Un petit «docu» sur la fanfare Pourpour suit ci-après: