samedi 24 avril 2010

Le conte d'une guitare par Bibb

• Le nouvel album d'Eric Bibb, c'est d'abord et avant tout l'histoire d'une guitare. Celle que Bukka White a trimbalée pendant des décennies dans les coins comme les recoins du monde pour mieux raconter, en solo, le quotidien des Mississippiens. Le quotidien des pauvres métayers. Toujours est-il qu'après la mort de ce cousin de B. B. King, cette guitare en métal s'est retrouvée entre les mains d'un Écossais qui, il y a peu, a décidé de la refiler à Bibb.
• Ébranlé par ce geste désintéressé, ému d'avoir entre les mains la six cordes d'un des alchimistes du blues acoustique, du blues du Delta, Bibb a conçu son album comme un écho aux totems sonores forgés par White, évidemment, mais aussi par Skip James, Son House et, surtout, Mississippi John Hurt. Attention! Il ne reprend pas à son compte le Pay Day de Hurt ou la Death Letter de House. Il reprend, grosso modo, là où ils avaient laissé.
Bessie Smith, Charley Patton, John Lee Hooker et bien d'autres avaient été traumatisés par les débordements rageurs du Mississippi en 1926-1927 au point de les chanter? Bibb le souligne, le rappelle, dans Flood Water. Wayfaring Stranger est une vieille rengaine écossaise que les damnés de la terre apprirent de la bouche de leur esclavagiste? Bibb la remodèle. Les livres le passionnent en général, ceux de Walter Mosley en particulier? Va pour Turning Pages. Il adore B. B. King? Va pour Tell Riley, le vrai nom de B.B.
• Pour faire court, cet album intitulé Booker's Guitar — Booker était le véritable nom de White — sur étiquette Telarc (15 $ sans les taxes) est une réussite totale. De bout en bout. Si vous aimez John Hurt, Levon Helm, Johnny Cash, Willie McTell, Blind Lemon Jefferson, Bob Dylan et tous ceux qui restent «grounder» sur le terreau des réalités du jour le jour, alors Bibb vous comblera.

Down Beat de mai

• Le Down Beat ( 5 $ sans les taxes) du mois de mai est arrivé. En couverture, le saxophoniste Miguel Zenon, qui a droit évidemment à la totale. Mis à part Zenon, on nous propose une rencontre entre deux artisans des mélodies que le fabricant d'ascenseurs Otis se plaît à nous fourguer du 1er au 500e étage; il s'agit de Ramsey Lewis et de Kirk Whalum. Mis à part (bis) ces deux zigues, on apprend que Manfred Eicher, le fondateur d'ECM, a reçu le Downbeat Lifetime Achievement Award.
• Quoi d'autre? Le guitariste Jim Hall est soumis à l'écoute de disques à l'aveugle, le saxophoniste britannique Evan Parker se raconte, l'essentiel des programmations des festivals de jazz américains et européens est dévoilé et, surtout, il y a cette réédition d'un entretien que Gerry Mulligan accorda à Leonard Feather en mai 1960.
• Dans la section consacrée aux nouveautés discographiques, on apprend que le club new-yorkais Small vient de créer le label SmallsLIVE. Le but? Conserver sur compact les shows des musiciens qui se produisent dans ce petit club situé à quelques pas de son célèbre aîné, le Village Vanguard. Les six premières parutions sont les suivantes: le quartet du trompettiste Ryan Kisor, les trios des pianistes David Kikoski et Kevin Hayes, le quintet du tromboniste Steve Davis avec le pianiste Larry Willis, le saxophoniste Ian Hendrikson-Smith, et le quartet du guitariste Peter Bernstein, qui a fait appel au vétéran batteur Jimmy Cobb.
Kikoski en trio

jeudi 22 avril 2010

Pour le plaisir: le Count et Zoot

• Bizarrement, les menus travaux accomplis par Count Basie dans les années 70 au bénéfice de l'étiquette Pablo en particulier et le nôtre en général sont beaucoup moins appréciés aujourd'hui qu'ils ne le furent lors de leur publication. Ce vice, d'ailleurs énorme, est largement attribuable à la mauvaise distribution des albums enregistrés par Pablo. Tant ceux de Basie que ceux de Dizzy Gillespie, Zoot Sims, Coleman Hawkins, Ray Bryant, Oscar Peterson, Eddie Lockjaw Davis, Harry Sweet Edison, sans oublier Duke Ellington.
• En fouinant, on est tombé sur cette vidéo de Basie en compagnie de Sims au ténor, de Roy Eldridge à la trompette, de Cleveland Eaton à la contrebasse et de Duffy Jackson à la batterie. Il résume à merveille la forte inclination de tous ces musiciens pour le jam, la lenteur, la décontraction, le naturel, le plaisir. Le plaisir de jouer ensemble, de jouer entre amis qui n'ont plus rien à prouver. Ce Midnight Special, c'est du bonheur dans sa plus simple expression.
Midnight Special

L'architecte Bill Frisell

• Le guitariste Bill Frisell n'arrête pas. Il travaille tout le temps, constamment. Actuellement, il tourne aux États-Unis avec des formations à géométrie variable. Lorsqu'il ne se produit pas avec le pianiste Jason Moran et le batteur Kenny Wollensen, il ponctue de ses improvisations les films de Buster Keaton avec les membres d'un autre trio après avoir consacré une série de spectacles aux compositions de John Lennon tout en préparant une série de concerts européens avec le pianiste Brad Meldhau quand il ne joue pas avec les fines lames des cordes que sont Marc Ribot, Buddy Miller et Greg Leisz.
• Avec ces derniers, le guitariste aujourd'hui installé à Seattle a enregistré un album auquel les chanteuses Emmylou Harris, Patty Griffin, Shawn Collins et Leeann Womack ont participé. Le contrebassiste? Dennis Crouch. Le batteur? Jay Bellerose. Ce disque paraîtra sur l'étiquette New West Records. Quoi d'autre? Frisell occupera la scène du Village Vanguard à douze (douze!) reprises au mois de mai, entre le 4 et le 16, avec des groupes aux configurations diverses.
• En attendant la publication de son nouvel opus, voici l'entretien qu'il a eu avec la pianiste Marian McPartland.

mardi 20 avril 2010

Live au Vanguard: Sam Yahel

• Une fois par mois, la station new-yorkaise du réseau radiophonique NPR enregistre des musiciens se produisant sur la scène du Village Vanguard. Voici une heure et quelques minutes du trio dirigé par le pianiste Sam Yahel. Matt Penman est à la contrebasse, Jochen Rueckert à la batterie.

So Jazz: C. Scott, J. Coursil et cie

• C'est logique! Il y a un mois, le trompettiste Christian Scott faisait la couverture de Down Beat parce qu'un disque de lui venait de paraître sur étiquette Concord. Où est la logique dans cette histoire? Le disque ayant traversé l'Atlantique, l'homme né à La Nouvelle-Orléans fait la une du numéro courant de So Jazz.
• Il est un brin baveux, le jeune Scott. Il vous descend les uns et les autres, notamment Terence Blanchard et Wynton Marsalis, avec la verve du coq qui veut bousculer ses aînés. Ça donne notamment ceci: «Tous les Wynton Marsalis, les Terence Blanchard sont nuls. Ils m'ont toujours ennuyé. Ils n'ont pas de personnalité.» Savez quoi, cet entretien a réveillé un coin de notre mémoire où sommeillait une entrevue accordée par Marsalis à Jazz Magazine au début des années 80. Pis? Scott dit aujourd'hui ce que Marsalis disait alors. Seuls les noms ont changé.
• Ce quatrième numéro de So Jazz (9,50 $) propose également des portraits du trompettiste Jacques Coursil, trop méconnu de ce côté-ci du globe, et du pianiste Omar Sosa, qui revient au big band. Voici d'ailleurs ce dernier, ci-après.