samedi 3 avril 2010

Live au Vanguard: Steve Wilson

• Des années durant, le saxophoniste Steve Wilson a été très sollicité par ses collègues. De Dave Holland à Mulgrew Miller en passant par Buster Williams ou Maria Schneider, beaucoup ont fait appel à son talent. À cette sonorité si claire et aiguisée, à son style si tranchant et vif. Il y a quelques jours, il se produisait au Village Vanguard en compagnie d'Orrin Evans au piano, d'Ugonna Okegwo à la contrebasse et de Bill Stewart à la batterie. Voici l'enregistrement du premier set:

Le roi du Savoy Ballroom: C. Webb

• L'idée était excellente. Frémeaux & Associés, dont on ne soulignera jamais assez combien ses artisans ont un sens scrupuleux, méticuleux, de l'histoire, l'a eue. Laquelle? Ce label a consacré un double-compact à un chapitre particulier du jazz des années 30: les big-bands et la danse. Cette étiquette française a rassemblé les morceaux qui faisaient chalouper les jambes et bassins de mesdames et messieurs dès les premières mesures des orchestres de Fletcher Henderson, Sidney Bechet, Coleman Hawkins, Erskine Hawkins, Claude Hopkins, Benny Carter, Lucky Millinder, Teddy Hill, Andy Kirk, Jay McShann, Count Basie, Cab Calloway, Duke Ellington, Buddy Johnson, Buddy Tate, Tab Smith et Cootie Williams. Sans oublier celui qui fut le roi incontesté du Savoy, le batteur Chick Webb. C'est grâce à lui en effet que le Savoy devint le point de chute favori des danseurs.
• Dans le texte qui accompagne cet album intitulé The Savoy Ballroom - The House Bands 1931-1955, Jacques Morgantini souligne que l'orchestre de Webb «était le favori des danseurs et la terreur des invités qui devaient l'affronter. Duke Ellington a dit: "Chick et ses gars aimaient défier tous les autres orchestres noirs et blancs, et aussi loin que je m'en souvienne, ils ne subirent jamais la défaite, Chick était toujours le vainqueur même si son rival du moment était le meilleur orchestre du monde! (...) Count Basie, de son côté, disait que rencontrer en joute musicale Chick Webb était une épreuve" qui rendait toujours les meilleurs très nerveux».
• Charlie Buchanan, le manager du Savoy, de poursuivre: Morgantini «était très clair lorsqu'il engageait un orchestre, en soulignant cette règle d'or inflexible: jouer ce que vous aimez, mais avant tout nourrissez les pieds des danseurs». Si la piste se vidait, l'orchestre était renvoyé illico. Suit ci-après un court documentaire sur le Savoy, Webb et autres:

L'affiche improbable: Miles et Neil

• Critique au New York Times, collaborateur de JazzTimes, essayiste et historien, Nate Chinen vient de consacrer un long article, voire une analyse, au premier show de Miles Davis dans une salle alors réputée pour présenter des musiciens de rock, pop, etc. Il s'agit évidemment du Fillmore East où il partagea l'affiche avec Neil Young et Crazy Horse.

jeudi 1 avril 2010

Le retour du cheveu rouge

• Quand on y songe, les pianistes qui font la sieste six pieds sous terre n'ont pas la veine qu'ont les saxos et trompettistes qui forment, eux, le bataillon que dirige Duke Ellington dans un au-delà qui n'est évidemment pas le paradis que les gogos font miroiter aux crédules. De-que-cé? La distribution, une fois encore. À la faveur d'un nombre incalculable d'épiceries musicales, on a constaté que Hampton Hawes, Carl Perkins, Bobby Timmons, Elmo Hope et quelques autres champions de la catégorie mi-moyen étaient les dindons post-mortem des hiatus que les technologies dites nouvelles ont créés sur le flanc de la distribution.
• Toujours est-il qu'on a noté la ré-apparition, dans les environs montréalais, d'un album signé par le champion des champions des mi-moyens. On a nommé Red Garland, soit le pianiste qui a fondu le blues dans le jazz avec une gourmandise pour le bonheur que d'autres n'avaient pas. Point. Intitulé Red In Bluesville, sur étiquette Pestige, cet album a été enregistré avec Sam Jones (Yes!) à la contrebasse et Art Taylor (Re-Yes!) à la batterie. Au programme des classiques du genre: He's A Real Gone Guy, See See Rider, M Squad Theme, Your Red Wagon, Trouble In Mind, et le célèbre St Louis Blues.
• Souvent, beaucoup, beaucoup trop souvent, on a réduit le rôle de Garland à celui d'entremetteur entre Miles Davis et John Coltrane. De quoi rager deux fois plutôt qu'une. Cet album, splendide au demeurant comme le sont bien de ses disques, a ceci de riche en enseignements qu'il met en lumière comme en relief ceci: Garland reste le passeur par excellence du blues au jazz. Pour s'en convaincre, voici le traditionnel See See Rider ci-après:

mardi 30 mars 2010

R. Blake: entre Monk et Satie

• On adore Ran Blake parce qu'il nous refile suffisamment de matières sculptées par lui pour qu'on adore ce qui le passionne, le film noir au premier chef. Oui! Ce pianiste de Boston, ce professeur très réputé, ce théoricien avec d'autres, dont George Russell, de la Third Stream, de la troisième voie, s'inspire énormément du film noir. Il ne cesse de puiser son inspiration dans cette esthétique cinématographique. Pour lui, aujourd'hui, le plus grand cinéaste vivant s'appelle... Claude Chabrol!
• On adore également Ran Blake parce qu'il fait le pont, le viaduc, le saute-mouton, entre Thelonious Monk qu'on adore et Éric Satie qu'on aime tout autant. L'automne dernier, Blake a publié un autre album en solitaire, exercice réputé casse-gueule mais dans lequel, lui, excelle. Cette nouveauté s'intitule Driftwoods. Elle a été éditée par l'étiquette Tompkins Square. Elle est faite de morceaux, certains joyeux, certains sombres, qui ont ponctué nombre de films et de morceaux déclinant carrément des drames. On pense à sa reprise du célèbre Strange Fruit de Billie Holiday.
• On vous en parle aujourd'hui parce que Driftwoods continue d'être le sujet d'éloges. Il y a de quoi, amplement de quoi, si on goûte la note aiguisée, affûtée jusqu'à sa dernière extrêmité. Drifwoods, comme d'ailleurs bien de ses productions en solo, c'est le jazz des nuits noires. Des nuits sans aucun clair de lune.
• Il y a peu, Blake était l'invité d'Eric Jackson, qui anime depuis des décennies une émission de jazz à la station de Boston du réseau radio de NPR. Avant que ce dernier ne pose ses questions, Blake rend hommage à Chabrol, quinze minutes durant, tout en insérant, ici un folklore aux accents italiens évidents et là un gospel. Voici ce «coquetelle» de dialogues et de beautés sonores.
P.-S.: pour écouter cette émission, faut quelque peu travailler. Ne vous en faites pas, c'est simple. Une fois que vous avez cliqué sur le lien ci-dessous, vous serez sur le site de la radio WGBH. Après quoi, il vous suffit de repérer la rubrique audio-this afternoon, qui est en fait située juste à droite d'une photo. Une fois cela fait, vous déroulez les sujets jusqu'à ce que vous tombiez sur Blake. Pour être exact, Blake est le onzième sujet de audio-this afternoon.

Le solde du mois: Jimmy Giuffre

• Ce solde-là, il sent l'histoire des droits d'auteur à plein nez, à gros nez. Mais bon, on ne s'en plaindra pas parce que... Parce que pour une rare fois le consommateur qu'on prend pour un cochon de payant, pas un cochon d'Inde, mais de Chine, soit un gros cochon au sens évidemment physique du terme, en est le principal bénéficiaire.
• C'est tout simple: une nouvelle étiquette baptisée The Pool Winners s'est employée à combiner deux albums enregistrés il y a plus de cinquante ans par tel ou tel musicien, donc libres de droits et qu'elle publie aujourd'hui sous la forme d'un compact. L'intérêt? Au sens économique, il est bas. Chaque CD est vendu à 11 $, ou 10,99 $, comme se plaisent à le dire les «bleachés BCBG» du marketing, donc du courant tarte à la crème de la science économique.
• Parmi les premières parutions de la série, on a retenu les noms de John Coltrane, Miles Davis, Zoot Sims, Woody Herman et surtout Jimmy Giuffre. Dans son cas, The Pool Winners a regroupé The Jimmy Giuffre 3, sans cesse redistribué, et Trav'lin Light, qui lui l'était beaucoup moins. En fait, ce dernier disparaissait des bacs des disquaires durant de longues périodes. De quoi faire rager d'autant plus l'amateur que ce vice était également une insulte à un grand monsieur, un grand créateur.
• Bon. On a peut-être oublié que ce trio c'était Giuffre au ténor, au baryton et à la clarinette, Jim Hall à la guitare et Ralph Pena à la contrebasse. Lors de la sortie du Giuffre 3, leur jazz de chambre, leur jazz calme, subtil et un tantinet planant avait épaté. Notamment leur interprétation d'un vieux folklore qu'ils avaient restauré et non rénové. Le titre? The Train And The River. Le voici:

So Jazz: Ahmad, Eddie et Miles

• Tiens, Ahmad Jamal est encore en couverture. Pour son troisième numéro, le mensuel suisse So Jazz a fait comme Down Beat qui avait fait comme Jazz Magazine: un brin de causette avec Jamal. Ça vous a «force-aimant» un petit côté répétitif qui plaira aux seuls maniaques du Ahmad' Blues, sans doute heureux que le pianiste originaire de Pittsburgh soit le sujet d'attentions simultanées conséquentes à la sortie d'un nouvel album, Quiet Time sur étiquette Dreyfus Jazz.
• N'empêche que ce So Jazz propose son lot de singularités. Il y a d'abord cet entretien avec l'acteur Don Cheadle, qui est en train de réaliser un film dont il a écrit le scénario. Le sujet? Miles Davis. De ses propos, on a retenu celui-ci: «Ce ne sera pas une biographie classique. Ce sera quelque chose de plus déconstruit. Plutôt un film dont il sera la star, pas un film retraçant son histoire de A à Z. À quoi bon? Il faudrait bien plus d'un film pour y parvenir, et des documentaristes de PBS ou de la BBC le feraient bien mieux.»
• Autre article intéressant, celui consacré au cinéaste Melvin Van Peebles, qui a converti son film Sweetback's Badasssss Song en opéra, pour lequel il a requis les services ou plutôt les talents des musiciens du Burnt Sugar - The Arkestra Chamber. La particularité de celui-ci? Faire le pont entre Igor Stravinski et Robert Johnson, entre Miles Davis et Funkadelic.
• Enfin, il y a ce portrait du bluesman Eddie C. Campbell, l'un des derniers survivants de cette génération qui articula ses premiers balbutiements sur les rives du Mississippi avant de migrer vers Chicago. Les amateurs de la note bleue et crue devraient d'autant plus apprécié cet article que cela faisait des lunes qu'on n'avait pas eu des nouvelles du propriétaire de la guitare rose et écaillée. Voici d'ailleurs une vidéo enregistrée récemment en... Patagonie!