samedi 8 mai 2010

Ben Sidran au FIJM

• La dernière fois que Ben Sidran, héritier aussi spirituel que direct de Mose Allison, occupa une salle de nos environs, c'était il y a une bonne quinzaine d'années. Il s'était alors produit en solo dans une église réquisitionnée par le FIJM. Il nous avait alors séduit par son aisance au piano, par sa voix basse sans inflexion rocailleuse et son talent de conteur. Le 27 juin prochain, il sera au Club Soda. Son programme, son sujet? Bob Dylan, à qui il a consacré un disque baptisé avec justesse Dylan Different. Car pour être différent, il l'est, le Bob de Ben. La singularité avec laquelle Sidran décline les fables dylanesques fait d'ailleurs de cette production LA plus convaincante de toutes celles dont l'auteur de Blind Willie McTell fut l'objet.
• Alors, M. Sidran, pourquoi Dylan? «Parce qu'il est emblématique d'une époque, je pense surtout aux années 60, qui s'est caractérisée par le bouillonnement culturel. On aimait tout: le blues, le jazz, le folk... On s'intéressait à tout: la littérature, l'histoire, la politique... On était très curieux. Toujours est-il que Dylan a laissé de fortes empreintes sur ces années comme sur celles d'après. Je l'ai traité en l'adaptant à ma voix et à mon style au piano. Vous savez, lui et moi avons grandi dans la même région, le Midwest, je connais son accent. J'ai voulu enregistrer en France avec des musiciens du cru pour obtenir quelque chose d'étrange, de magique. Je voulais un résultat différent. Là-bas, les musiciens sont plus romantiques.» Précision: Dylan Different a été gravé en pleine campagne alsacienne dans le studio du guitariste Rodolphe Burger, connu pour avoir accompagné, entre autres, Jacques Higelin et Bashung.
• Au Club Soda, Sidran nous a confié qu'il serait flanqué d'un guitariste, un contrebassiste et un batteur. Prix du billet: 32,50 $. Quelques mots pour rappeler qu'en plus de chanter, composer, produire et enseigner, Sidran est aussi un grand chroniqueur du jazz. Il est l'auteur de Black Talk et de Talking Jazz, formidable bouquin qui regroupe les quarante entrevues qu'il a réalisées avec Dizzy Gillespie, Sonny Rollins, Miles Davis...

jeudi 6 mai 2010

Le FIJM du Upstair's

• Comme l'année dernière et celles d'avant de l'avant d'avant, le Upstair's présente cette année-ci une affiche toute belle durant la 31e édition du Festival international de jazz de Montréal (FIJM). Cet après-midi, vers les 14h ou, si vous voulez, une heure avant que l'indice Dow Jones soit percuté par la crise grecque et ne perde 1 000 points (!), l'affiche en question a été dévoilée. Le temps que les noms des invités se répercutent ici et là, les dieux grecs, Pandora en tête, avaient tiré la diagonale du fou et permis ainsi à messieurs Dow et Jones de limiter les dégâts. Bon, soyons terre à terre.
• La chanteuse Jeri Brown inaugurera la série le 25 juin. Le lendemain, le 26 juin pour les intimes, Etienne Charles & Foklore seront sur la scène. Les 27 et 28 on saute. Le 29: Irem Bekter et ses Diabluras. Le 30 juin et le 1er juillet, le saxophoniste Joel Miller et son trio accompagneront le pianiste Geoffrey Keeser, qu'on n'avait pas entendu dans nos parages montréalais depuis des lunes. Les 2 et 3 juillet, le trio du pianiste Matt Herskowitz, un violon et un violoncelle, jouera la Jerusalem Trilogy. Le 4 juillet, ce sera au tour de la chanteuse Ranee Lee et de son quintet. Le 5: Gale/Rodrigues Group. Le 8 juillet, une conclusion alléchante sur papier: F. Bourassa au piano, M. Donato à la contrebasse. F. Lozano au ténor et P. Tanguay à la batterie rendront hommage à Bill Evans.
• Et maintenant, les dates sur lesquelles on fait le saute-mouton: les 27 et 28. Ces soirs-là seront autant de tournées générales pour saluer les sommeliers du grand son. Au sens gros du terme. Gros comme ceux de Coleman Hawkins, Ben Webster, Don Byas, Chu Berry, Arnett Cobb et Eddie Lockjaw Davis. Mais encore? Ces soir-là, Houtson Person, le dernier de la lignée, le dernier défenseur du son cru, du son épais, fera rebondir les notes de la ballade dans tous les recoins du Upstair's. Comme on doit s'entretenir au cours des prochains jours avec cet artiste qui a signé des albums faits de pleins et de déliés pour l'étiquette High Note, on y reviendra longuement. En attendant...

mardi 4 mai 2010

Steve Kuhn au FIJM

• Plutôt que de vous dévoiler les noms du bataillon imposant d'artistes qui vont se produire lors de la 31e édition du Festival international de jazz de Montréal (FIJM), on va s'arrêter à un certain nombre d'entre eux d'ici le coup d'envoi de l'événement. Allons-y aujourd'hui avec le pianiste Steve Kuhn parce qu'il demeure méconnu même s'il est connu. T's veux dire!
• Formé à l'école du piano russe dans les années 50, à la dure école de la virtuosité, par Margaret Chaloff, la maman du saxophoniste Serge décédé trop jeune, Kuhn a commencé à se produire dans l'orchestre de ce dernier alors qu'il était encore un ado. Puis, il a accompagné Coleman Hawkins, Stan Getz, John Coltrane, Chet Baker, Kenny Dorham, Ornette Coleman, Don Cherry, tout en étudiant les concepts développés par George Russell et Gunther Schuller, avant de former un trio avec Scott LaFaro et Pete La Rocca. Voilà pour le côté face, le côté terre à terre de sa bio.
• Plus haut, on écrivait qu'il demeure méconnu même... Bon. C'est tout simple, entre Bill Evans et Keith Jarrett, Steve Kuhn est, avec Paul Bley et Ran Blake, le relayeur essentiel! Là où Evans était enclin au romantisme, Kuhn est aventurier, moderne, économe. Chez lui, rien ne dépasse parce que chaque note doit être pesée. Et ça, c'est la marque des grands.
• Steve Kuhn occupera la scène du Gesù le 4 juillet en compagnie de David Finck à la contrebasse et de Joey Baron à la batterie. Ci-après on vous propose une entrevue avec la pianiste Marian McPartland entrecoupée d'extraits sonores et son interprétation, avec Joe Lovano au saxophone, de Spiritual, composé par John Coltrane.

lundi 3 mai 2010

Le siècle d'Ellington

• Jeudi dernier, 29 avril, Edward Kennedy Ellington, dit Duke, a eu 111 ans! Comme quoi le temps ne passe pas, mais se surpasse. Depuis qu'il, ou elle, ou lui, ou on ne sait qui, a mis la vie de monsieur Ellington entre parenthèses, on s'ennuie parfois. Et quand cela arrive, on s'ennuie grave, pour parler post-moderne. Alors, on l'écoute et on le réécoute. Et toujours, toujours, l'obsession qu'il avait pour la beauté noie l'ennui. Cent onze ans!
• Cent onze ans et plus de Charles Mingus pour hurler sa passion musicale pour l'homme qui confiait avoir la musique pour maîtresse. Plus de Mingus pour composer Duke Ellington' Sound of Love. On rappelle cela parce qu'on a été passablement agacé par ce commentaire de Wallace Roney qui, lors de la conférence de presse tenue à Montréal pour présenter l'exposition Miles Davis au Musée des beaux-arts, a dit de ce dernier qu'il fut le plus grand compositeur des deux derniers siècles ou deux cents ans.
• Hey! Ho! On se calme! Il va sans dire que Miles est grand. Mais là... mettons que ce commentaire, ça sent le fond de commerce à plein nez. Enfin... Si vous aimez Ellington, on vous conseille deux fois plutôt qu'une la lecture de Duke Ellington par Stanley Dance paru aux éditions Filipacchi en 1976. Comme il est possible que la version française ne soit plus disponible, sachez qu'en anglais il a été publié par Charles Scribner's Sons en 1970 sous le titre The World of Duke Ellington. Une chose est sûre, ce livre est un régal parce qu'il est fait surtout de témoignages de musiciens retranscrits in extenso.

dimanche 2 mai 2010

LE son Eric Alexander

• Ça nous arrive. De-que-cé? De passer à côté d'un musicien. De le rater pendant des lunes d'obédience indienne du Nord. Ce fut le cas avec Eric Alexander, saxophoniste ténor encore jeune qui a déjà un son bien à lui. Un son sculpté. Un son qui s'inscrit dans la lignée des champions de la catégorie dite de mi-moyens. Celle à laquelle appartenaient ou appartiennent Hank Mobley, George Coleman, Joe Henderson, Steve Grossman, Richie Kamuca, Junior Cook et bien d'autres ayant fréquenté notamment les bancs d'école des Jazz Messengers. On aura compris qu'Alexander est un ténor «bi-beaupe», comme disent les Français de France.
• Toujours est-il qu'il y a peu, on s'est payé Revival of the Fittest (24 $ sans les taxes), sur étiquette High Note, parce que sur la pochette on avait lu le nom de Joe Farnsworth, batteur qui se distingue par sa finesse, celui de Nat Reeves, contrebassiste qui se singularise par son classicisme, et surtout, surtout, celui de Harold Mabern, pianiste qu'on adore depuis des lunes sans croissant. On a d'ailleurs appris qu'Alexander fut l'élève de Mabern.
• Le programme est fait de compositions originales, dont le sensible Blues For Phineas de Mabern ou Yasashiku d'Alexander, et de standards, dont le You Must Believe In Spring de Michel Legrand. Bref, les ballades côtoient les enlevées, qui voisinent parfois avec des antillaises. Toujours est-il (bis) qu'on a énormément apprécié la sonorité angulaire d'Alexander, son épaisseur qui fait de notre homme un souffleur à mille lieues du territoire aujourd'hui si fréquenté par les rabatteurs de la technique. On a apprécié le jeu très précis de la formation rythmique. Si vous aimez les musiciens nommés plus haut, alors n'hésitez pas...
• On vous propose deux choses: d'abord, une entrevue réalisée dans les studios de la radio de Seattle du réseau NPR, entrecoupée de prestations d'Alexander en duo avec le pianiste David Hazeltine. Ensuite? Alexander et Mabern au Duc des Lombards à Paris.

Live: Jonathan Baptiste

• Il s'appelle Jonathan Baptiste. Il est pianiste comme Dr John. Par là, on veut signaler qu'à l'instar de son aîné il vient de La Nouvelle-Orléans. Mais là où le Docteur du Baron Samedi glisse ses notes funky mâtinées de blues, Baptiste intercale celles du jazz. L'ancien comme le nouveau, pour le grand plaisir d'ailleurs de Cassandra Wilson.
• Lorsqu'il n'est pas au service de la belle dame, il est au sien. On vous propose sa prestation au Lincoln Center de Washington, qui nous séduit par sa chaleur, son intensité et sa sensualité. Entouré d'une douzaine d'instrumentistes, Baptiste s'approprie, littéralement, des classiques comme Round About Midnight, Green Chimneys ou Moon River, aussi bien que des antiquités comme St James Infirmary ou le New Orleans Blues de Jelly Roll Morton. Ouais... La nappe de pétrole après Katrina, la ville du Professeur Longhair, peut bien avoir les bleus.
• Présenté dans le cadre de l'émission Jazz Set With Dee Dee Bridgewater, le show débute après plus d'une minute de mots grands et petits.