vendredi 21 mai 2010

Stephen Barry à L'Astral

• Trente-cinq ans... trois décennies et la moitié d'une autre que le Stephen Barry Band mène, non pas SA barque, mais bel et bien la barque du blues au nord du 45e parallèle, soit face au fleuve gelé lorsqu'il se produit chez Smoked Meat Pete tous les dimanches de tous les hivers ou au New Griffin Town Café en plein coeur de Montréal ou sur les routes qui s'achèvent à Gaspé ou à Toronto ou encore à Vancouver. 35 ans... Si Paris vaut bien une messe, alors Barry vaut bien une fête.
• Elle aura lieu, la fête, ce soir à L'Astral. Ce soir avec Susie Arioli, Jordan Officer et Joel Zifkin comme invités. Les autres? Il y a ceux qu'il a connus à l'Université McGill sur les bancs de la faculté des sciences, celles prétendûment pures, il y a quatre décennies moins cinq ans. Qui sont-ils? Le guitariste et chanteur Andrew Cowan et le batteur Gordon Adamson qui est aussi le chanteur, c'est à retenir, de Hound Dog. Reste le saxophoniste au son long et pesant, dans le sens noble du terme, soit Jody Golick.
• On l'a peut-être oublié ou peut-être ne le sait-on pas, mais dans les années 70 et celles d'après le band à Barry né en janvier 1947 à Lachine a accompagné longuement Big Mama Thornton et Johnny Big Moose Walker, moins longuement Buddy Guy et son frère Phil ou encore Hubert Sumlin, l'un des guitaristes favoris des p'tits blancs britanniques qui ne veulent plus entendre parler d'une adoption de l'euro. Enfoirés! Mais bon... c'est un autre sujet.
• Pour revenir au nôtre, de sujet, faut mentionner... non! Faut marteler que les shows de Barry, que les albums de ce bassiste qui n'a pas son pareil pour chalouper le rythme sont aussi essentiels que l'air qu'on respire. C'est bêtement dit? Oui, oui. On le sait. Mais c'est ça pareil, comme on dit en langue franc. Donc en langue qui permet de formuler des constats. Barry, Cowan, Adamson, Golick, ont été essentiels. Et ils le restent. Peu peuvent en dire autant. Eau quai! Six-bols! Chapeau et bonne fête. Bon, comme Michael Jerome Browne qui a longtemps fait partie du groupe ne peut être à L'Astral parce qu'il se produit, le voici avec ses amis.

lundi 17 mai 2010

Gentleman Jones n'est plus

Hank Jones, le doyen des pianistes de jazz, l'aîné des frères Elvin et Thad, n'est plus. Il avait 91 ans, avait tout fait, tout entendu, tout vu. Entre son arrivée à New York au début des années 40 et son dernier souffle, Jones a mis son talent de pianiste classique au service de Charlie Parker et Andy Williams, Ella Fitzgerald et Cannonball Adderley, Billie Holiday, Coleman Hawkins... En fait, pour faire court, l'homme né un an après le premier enregistrement d'un disque de jazz a accompagné tout le monde. À telle enseigne qu'il a défini, pour ainsi dire, les paramètres qui distinguent le simple faire-valoir de l'excellence.
• Bizarrement, ce n'est qu'à partir de la soixantaine que son nom va commencer à circuler en dehors du cercle des initiés, lorsque paraissent, notamment, ses enregistrements avec Tony Williams et Ron Carter, les enregistrements du Great Jazz Trio. Ces albums, c'est à noter, sont publiés au milieu des années 70. Et alors? En 1975, le réseau CBS «ferme» l'orchestre que Jones dirigea pendant une quinzaine d'années au bénéfice du chanteur-animateur Andy Williams. CQFD: au cours de cette période, Jones ne fit pas de tournées.
• En juillet dernier, celui qui connaissait tous les standards fit la couverture de JazzMan. De l'entretien mené par Alex Dutil, on a retenu ceci: «Jusqu'ici, je n'ai jamais fait que répondre aux sollicitations qui m'arrivaient, sans le moindre plan de carrière. On me téléphonait pour un accompagnement? J'y allais. Que ce soit pour une chanteuse, un instrumentiste ou un big band, peu importe. On me proposait d'assurer une séance d'enregistrement en leader? J'acceptais avec joie. Il s'agissait d'écrire de la musique? Je me mettais aussitôt au travail [...] Ma vie de jazzman, c'est au jour le jour.» Ave!

dimanche 16 mai 2010

Carolina Chocolate Drops

• Il y a d'abord la couverture: une femme, les cheveux tressés, prend un rayon de soleil flanquée de deux bonshommes. Le tableau est surmonté du nom du groupe: Carolina Chocolate Drops, inconnu au bataillon sauf peut-être d'Adam et Ève. Puis, au bas de la pochette, le titre de l'album: Genuine Negro Jig. Illico, on se dit que c'est une histoire, une très vieille histoire de campagne. La campagne lointaine, celle du Mississippi, de l'Oklahoma, du nord-ouest de la Floride, de la Virginie de l'Ouest et de l'Arkansas. Au dos, on repère le nom du label: Nonesuch. Puis surtout celui du producteur: Joe Henry. Là, on murmure ceci: Henry + Nonesusch = 2 gages de qualité quasi totale.
• On l'achète (22,50 $ taxes comprises). Après quoi, on s'arrête à l'identité respective des trois jeunesses d'un groupe au patronyme ancien et à leurs instruments. Ils s'appellent Dom Flemons, Rhiannon Giddens et Justin Robinson et jouent du fiddle, le violon dans sa version populaire, du banjo, de la guitare, mais avec parcimonie, du pichet en terre cuite, celui du pauvre, ainsi que d'objets divers qu'ils utilisent afin d'accentuer les effets percussifs.
• On l'écoute et on est surpris. Dans le sens agréable du terme. On est surpris par ces musiques qui sont autant d'échos aux musiques si anciennes qu'elles s'entendaient ici et là avant le blues. Où? Dans les Appalaches, sur les bateaux qui descendaient et remontaient le Mississippi, dans les campagnes perdues des États traversés par un fleuve si capricieux qu'il a provoqué, si l'on peut dire, son flot de chansons. C'est du blues, du country, du folk, des ballades dont on perçoit ici et là les influences irlandaises et françaises. Bref, les membres font très bien ce qu'ils ont voulu faire: l'archéologie musicale des States. Mississippi John Hurt et Sleepy John Estes peuvent dormir tranquille.