mercredi 21 juillet 2010

Le peuple d'Otis Taylor

• C'est du costaud, très costaud. Ce n'est pas tout a fait blues, ni tout a fait folk, ni totalement country, c'est un peu orientalisant, c'est aussi Indiens d'Amérique avec des accents de bluegrass et des échos pas vagues du tout aux chansons des Appalaches. C'est tout cela en même temps comme simultanément avec tout de même plus de blues que du reste. Il s'agit évidemment d'Otis Taylor, le maître parce qu'inventeur du «trance blues», qui propose un nouvel album intitulé Clovis People Vol 3, paru sur étiquette Telarc.
• Avec Corey Harris, Guy Davis, Alvin Younblood et, dans une moindre mesure, Eric Bibb, Taylor, qui est d'ailleurs leur aîné, est autant anthropologue que chanteur, compositeur, guitariste, banjoiste et harmoniciste. Il scrute les temps anciens des Noirs et des Indiens d'Amérique. Et comme il a également la fibre du sociologue, il observe les temps d'aujourd'hui qui lui inspirent des blues révoltés. Il était et reste engagé.
• Le thème de ce nouveau disque lui est venu lorsqu'il a lu dans un quotidien de Denver, Colorado — il habite à Boulder, non loin de Denver —, que des archéologues avaient découvert des outils et autres objets fabriqués par le peuple Clovis qui vivait dans ces environs il y a 15 000 ans. Peuple qui a disparu pour des raisons que l'on ignore encore et toujours.
• Comme souvent, Taylor propose une architecture instrumentale originale: un violon, un violoncelle, une trompette, d'ailleurs entre les mains de l'immense Ron Miles qu'on entend fréquemment auprès de Bill Frisell, une basse, une batterie jouée par le très expérimenté Larry Thompson, une guitare, un banjo et une mandoline.
• Cet album est touchant, très touchant, de bout en bout. Quoi d'autre? Otis Taylor a son univers bien à lui. Il ne ressemble à personne. Il est très singulier. Et ça, c'est si rare qu'il force l'admiration.
P.-S.: on vous renvoie à son site, où il propose sur la page d'entrée une vidéo d'une dizaine de minutes qui résume bien l'atmosphère de Clovis People.
Otis Taylor

lundi 19 juillet 2010

Remember Frank Morgan

• Ce n'est pas une nouveauté. Mais voilà, lorsqu'il a été publié, en 2004, il est passé quelque peu inaperçu. Pour dire les choses comme elles ont été, ce disque d'une extrême qualité n'a pas eu le retentissement qu'il méritait et mérite toujours. Il s'agit du volume 3 de la série City Nights. Il s'agit des pièces enregistrées live au Jazz Standard à New York par le saxophoniste alto Frank Morgan. Tous ont été édités par le label High Note.
• Dans la catégorie des live proposant au-delà de deux albums, et qui valent des écoutes répétées, sont regroupés ceux de Shelly Manne au Blackhawk, à San Francisco, d'Art Pepper au Village Vanguard, de Stan Getz au Café Montmartre, à Copenhague, et bien évidemment ceux plus récents de Morgan.
• La beauté, la profonde beauté, du jeu défendu par Morgan tient à sa sensibilité, celle plus précisément des pudiques, ainsi qu'à sa maîtrise du silence. De tous ses contemporains jouant de l'alto, Morgan s'est particulièrement distingué par la déclinaison de notes espacées entre elles. Il était zen, chaman, contemplatif. Il était un artisan et un passeur.
• La beauté (bis) du voulme 3 tient également à la qualité de ses accompagnateurs: Georges Cables au piano, Curtis Lundy à la contrebasse et Billy Hart à la batterie. Elle tient également dans le programme, dans le choix très intelligent des morceaux: Georgia On My Mind, Cherokee, Summertime, All Blues, I Mean You, Round Midnight, Equinox et Impressions. Plus qu'un programme, c'est la grande histoire d'une grande époque du jazz.

dimanche 18 juillet 2010

Charlie Haden par E. Iverson

• Pianiste du trio The Bad Plus, Ethan Iverson est également un chroniqueur. Un chroniqueur plus historien que journaliste. Sur son blogue, il propose de longs entretiens avec ses confrères musiciens qui révèlent d'ailleurs, comme si besoin était, son inclination pour l'éclectisme. Il est curieux de toutes les musiques. De tous les horizons.
• Toujours est-il que ces entrevues, c'est comme... C'est de l'intérieur. C'est cela! Des entrevues faites de l'intérieur. Quoi d'autre? Elles sont préparées avec un soin si méticuleux qu'elles mériteraient d'être regroupées dans un gros bouquin. Aujourd'hui, on vous renvoie aux mille et une questions qu'il a posées à Charlie Haden. Il décline avec abondance ses associations avec Ornette Coleman, son Quartet West, les batteurs Billy Higgins, Ed Blackwell, Paul Motian, Keith Jarrett, etc.
Haden par Iverson