samedi 20 février 2010

Living Blues: John Primer

• Au cours des deux, trois dernières années, la distribution, de ce côté-ci de la frontière, du mensuel Living Blues ( 6 $) fut pour le moins bancale. Ce vice économique est d'autant plus déplorable que le magazine en question est le plus précis (!), le plus riche en faits historiques. À cela, il y a évidemment une raison, une réalité tout ce qu'il y a d'empirique: l'éditeur est nul autre que le Center for the Study of Southern Culture de l'Université du Mississippi qui, soit dit en passant, est le gardien d'archives propres à ravir les lecteurs de l'œuvre de William Faulkner.
• Cela souligné, le numéro courant de Living Blues consacre tout un dossier à John Primer. Ex-guitariste de Muddy Waters, ex-guitariste de Magic Slim, Primer est au blues de Chicago du temps courant ce qu'Otis Rush ou Jimmy Dawkins furent aux temps antérieurs. Comme ses aînés, il galvanise les rythmes, bouscule les lieux communs. Dit autrement, jamais il ne racole, jamais il ne solde à vil prix la musique des petits faits du quotidien.
• Il va sans dire que Waters et Slim ayant été ses patrons, Primer n'a pas son pareil pour alourdir, dans le sens évidemment physique du terme, LA note. Il joue sale! Il joue pesant avec un sens du rythme qui permet d'avancer qu'il est aujourd'hui et pour les années à venir la figure emblématique du blues du South Side de Chicago. Pour s'en convaincre, il suffit d'aller sur son site et d'écouter, à défaut d'acheter le disque, les extraits de son dernier album: All Original, paru sur sa propre étiquette, Blue House Productions.

jeudi 18 février 2010

Le poète Copland à L'Astral

• Souvent, très souvent même, le pianiste Marc Copland a été qualifié de poète. Cette conjugaison, dont on ne sait l'origine, est tout ce qu'il y a de fondée. Là où Brad Meldhau est lyrique, l'homme natif de Philadelphie raconte des histoires sous la forme de strophes. Là où Keith Jarrett est romantique, voire précieux, l'ancien saxophoniste alto compose les douze pieds des alexandrins avec un naturel qui force l'admiration. Là où... Marc Copland se produira à L'Astral le 24 février prochain accompagné du quartet du contrebassiste montréalais Adrian Vedady. Prix du billet? 16,50 $. C'est de la grosse nouvelle. Savoir que Copland sera dans nos environs, ça vous aiguise les papilles avec autant de puissance qu'un Chorey-les-Beaunes. Parce que...
• Parce que le bonhomme est un sacré bonhomme. Autant pianiste que compositeur; autant éclaireur qu'attentif aux jeux de ses camarades; aussi concentré sur la mise en relief de LA note qu'attaché à la limpidité. Il est fluide, Copland, il est également très précis. Tellement, qu'il réveille dans notre petite tête les grandes heures de John Lewis, pianiste, compositeur et architecte des sommets du Modern Jazz Quartet. Et Dieu sait s'il y en a eu. Copland est l'exacte contradiction du «deux de pique», sauf lorsque celui-ci est «frimé», pour employer le langage des amants du poker.
• Le seul problème avec ce pianiste ayant usé ses culottes courtes sur les mêmes bancs d'école que son ami Michael Brecker est d'ordre économique. La plupart de ses albums ayant été publiés sur des labels européens, ces derniers affichent pour nous, à Montréal, des prix de salaison porcine. Par exemple, pour son Vol. 2 de la série New York Trio Recordings avec Gary Peacock à la contrebasse et Paul Motian, paru sur l'étiquette allemande Pirouet, on a déboursé 42 $. Vivement un ravalement de l'euro!
• Cela étant, il faut savoir que notre homme écrit dans le cadre de sa série New York Recordings un feuilleton passionnant. Il n'y a pas d'autre mot. Lorsque Peacock n'est pas à la contrebasse, Drew Gress le remplace. Lorsque Motian n'est pas à la batterie, Bill Stewart s'en occupe. Et toujours, Copland s'avère convaincant.
• Dans un de ses exercices poétiques, Raymond Queneau dit la quenouille avait écrit ceci: «Dans les toilettes du métro / à la station Port-Royal / on peut lire ces quelques mots / ça me paraît MONUMENTAL / l'usage de cette cabine / est strictement réservé / aux économiquement faibles / et aux indigents NOTOIRES...» «Sot ouate?» Copland est monumental et pas assez notoire. À L'Astral le 24 février à compter de 19h30.
vvvvvc

mardi 16 février 2010

Les inédits du grand Charles

• La nouvelle du jour devrait ravir, plus que d'autres nouvelles, les amateurs de jazz en général et ceux de Charles Mingus en particulier. Voilà que le label Jazz Collectors annonce la publication de concerts donnés par l'ogre du «djase» en 1964 et qui n'avaient jamais paru en CD ou en vinyle. Côté cour, il y a le show enregistré à la salle Wagram à Paris. Côté jardin, celui capté à Amsterdam.
• Dans un cas comme dans l'autre, Jazz Collectors a rassemblé ces aubaines musicales sous la forme d'un double compact. On sait que, sur la scène d'Amsterdam, Mingus était entouré de Clifford Jordan, le souffle long du ténor, Johnny Coles, le détrousseur des subtilités que cache la trompette, l'historien Jaki Byard au piano, Dannie Richmond, le tambour battant de la batterie, c'est le cas de le dire, et un certain Eric Dolphy, qui n'avait pas son pareil pour décliner par flûte, alto et clarinette basse interposés les chants des oiseaux qu'il avait décryptés. Pour le concert de Paris, on précise que Dolphy était présent. Les autres? On peut présumer, sachant que ces spectacles ont été à l'affiche la même année, que leurs papiers d'identité étaient ceux d'Amsterdam.
• Cela étant, l'initiative étant européenne, les distributeurs le sont tout autant. Qui sont-ils? Socadisc.com et ledisquaire.com. Le prix? On a fouiné, mais tout ce qu'on a trouvé, à la rubrique prix, ce sont des codes. Nom dé diou! À ceux passionnés par les palpitations musicales du grand Charles et qui habitent Montréal et qui, surtout, ne veulent pas se casser la tête, on suggérera de s'informer au magasin Cheap Thrills. En raretés, ceux-ci sont des calés. En attendant, voici l'interprétation de Take The A Train de Duke Ellington, le héros de Mingus

dimanche 14 février 2010

L'étranger de Ramblin' Jack Elliott

• La banque d'affaires Goldman Sachs a trafiqué le profil financier de la Grèce pour le rendre plus acceptable aux yeux des crédules. Les autres, Morgan Stanley et consorts, en ont fait autant et, ce faisant, mis des milliers de familles, pour rester modeste, sur la paille. Compagnon de route, c'est le cas de le dire, de Bob Dylan, Ramblin' Jack Elliott est assez vieux pour se souvenir des ravages provoqués par la crise de 1929. Il y a quelques mois de cela, le vieux briscard publiait un album, alors que la crise de l'édition 2009 battait son plein, fait de blues relatant les méfaits de celle qui ravagea le continent il y a 70 ans de cela. Pour mener à bien cette aventure musicale produite par Joe Henry, Elliott avait rassemblé autour de lui les guitares de Greg Leisz et David Hidalgo de Los Lobos, qui joue également de l'accordéon, les pianos de Van Dyke Parks et Keefus Ciancia et la contrebasse de David Piltch. Le making of de cette production intitulée A Stanger Here, aussi sensible que pertinente, a été mis en ligne récemment.



Vive l'INA!

• Après des années consacrées à l'indexation d'archives audio et visuelles, l'Institut national de l'audiovisuel de France (INA) vient de mettre à la disposition des amateurs de jazz et de blues des heures et des heures de spectacles filmés par la télévision française. Dans un entretien accordé au mensuel Jazz Magazine, Pascal Rochat, maître d'œuvre du projet, précise: «Les fonds de l'INA n'ont pas encore livré tous leurs secrets, et nous allons continuer nos recherches. De plus, tous les premiers janvier, une nouvelle année d'enregistrement tombe dans le domaine public (...) En visionnant le générique d'un show de Daniel Humair, j'ai ainsi découvert une prestation inédite de Jackie McLean en 1961.»
• En ce qui concerne les captations de shows à l'affiche de divers festivals, P. Rochat a souligné que, pour des raisons juridiques évidentes, l'INA a retenu seulement les concerts filmés antérieurement à 1959. Par ailleurs, un accord portant sur la traduction de ces archives en format DVD a été signé avec la société américaine Reelin' The Years, éditrice de la série Jazz Icons distribuée de ce côté-ci de l'Atlantique par Naxos. À ce propos, Rochat spécifie, toujours dans Jazz Magazine, que «l'ouverture au public de notre fonds nous expose à des contraintes juridiques fortes et la gestion des droits relatifs aux concerts est un sacré casse-tête. Voilà pourquoi nous préférons travailler avec cette société, bien implantée outre-Atlantique...»
• Cela étant, voici un extrait d'un concert donné en 1958 à Cannes par Don Byas, Big Joe Turner, Coleman Hawkins, Stan Getz, Zoot Sims et plusieurs autres. Il résume à lui seul la grande richesse du catalogue que l'INA nous propose.