samedi 13 mars 2010

Christian Scott l'écorché

• En couverture du numéro d'avril — je sais, nous sommes encore en mars, mais les Nosferatu du marketing adorent sucer le sang de l'argent à l'avance —, en couverture donc du numéro d'avril du mensuel Down Beat (5 $), qui retrouve-t-on? Le jeune trompettiste Christian Scott qui, entre autres qualités, est plus allumé que bien des musiciens de son âge. Lui mis à part, la rédaction de ce magazine propose la liste des 25 meilleurs enregistrements de big band selon le sieur Frank-John Hadley. Que Charles Mingus se retrouve à la 25e place, soit loin derrière Maria Schneider, nous a quelque peu agacé. Remarquez que ces histoires de podium sont autant de casse-gueules.
• Sinon, quoi d'autre? Des portraits du guitariste Kurt Rosenwinkel, du pianiste Robert Glasper et du saxophoniste Ted Nash. Mais la très grande nouvelle, du moins pour nous, c'est que Mose Allison, l'auteur adoré de If You Live, l'auteur vénéré de Parchman Farm, que Mose Allison le lettré, le William Faulkner du blues (oui!), vient de sortir un album produit par Joe Henry (yes!). Cela faisait une décennie que nous n'avions pas eu de ces nouvelles, discographiquement causant.

Pat Matheny et la machine

• Dans le numéro courant de Jazz Magazine/JazzMan (9,50 $), le guitariste Pat Metheny explique longuement pourquoi et comment il a conçu l'orchestrion, soit cet assemblage d'instruments hétéroclites qu'il dirige à même sa guitare grâce à «la machine». Quoi d'autre? La chanteuse Anne Ducros questionne Charles Aznavour, qui vient d'enregistrer avec un big band. Quoi d'autre (bis)? Des articles consacrés à François Couturier, Dave Liebman, Jeff Watts, Jean-Michel Pilc et Jean-Loup Longnon plus les rubriques habituelles.
• Dans la vidéo qui suit, Metheny s'épanche sur la génèse de son invention, en plus évidemment d'en faire des démonstrations. C'est très étonnant.

jeudi 11 mars 2010

Le Casque d'or et le «djasse»

• Grand réalisateur de films, on lui doit Casque d'or, Touche pas au grisbi, Antoine et Antoinette, Le Trou et autres histoires en noir et blanc qui vous tiennent très réveillés, Jacques Becker avait une telle passion pour le jazz que jeune homme il s'engagea comme stewart sur les paquebots qui faisaient la navette Le Havre-New York afin d'entendre ses héros. Bon.
L'Institut national de l'audiovisuel de France vient de mettre en ligne un entretien réalisé en 1956 au cours duquel le père du cinéaste, Jean Becker, lui réalisateur de L'Été meurtrier et des Enfants du marais, entre autres, parle du jazz de Saint-Germain-des-Prés en particulier et de l'utilisation du jazz dans ses films.
• P.-S.: L'entrevue dure plus de 6 minutes en tout. Après avoir écouté la première partie qui dure 4 minutes et quelques secondes, il suffit de cliquer sur l'image représentant le cinéaste pour entendre la deuxième partie.

C. Haden, E. Pieranunzi, B. Higgins

• On vous l'annonce d'emblée, il s'agit d'un coffret qui n'est pas encore dans les bacs des disquaires. D'un coffret qu'on a donc reçu. Mais comme c'est du costaud, on l'évoque aujourd'hui avant de vous préciser ultérieurement sa sortie officielle. Voilà, le label italien Black Saint et son jumeau Soul Note, immense label des années 80 et 90, ont rassemblé des enregistrements réalisés par le contrebassiste Charlie Haden.
• Parmi eux, il y a un disque splendide. Un trio formé avec le batteur Billy Higgins et le pianiste Enrico Pieranunzi. En leur compagnie, Haden, dont les premiers pas sur la planète jazz ont été possibles grâce au Montréalais Paul Bley, a interprété neuf morceaux rassemblés dans cet album intitulé First Song. Lorsqu'on s'attarde au parcours du grand Charles, on se dit que cette production symbolise LE changement dans la vie musicale de celui-ci. Elle annonce la suite et notamment la création du Quartet West. Autant Haden était aventurier aux pieds nus avec le Old And New Dreams, autant il dévoile avec Pieranunzi son amour pour des ballades qui firent la fortune de Bill Evans. First Song, c'est du grand art. Grâce à qui? Pieranunzi, que voici d'ailleurs au Duc des Lombards, à Paris, en trio:

N. Payton live au Vanguard

• Le trompettiste Nicholas Payton, dont le visage encore jeune cache trente ans de carrière, était à l'affiche du Village Vanguard cette semaine. Il était accompagné de Taylor Elgsti au piano, de Vicente Archer à la contrebasse, de Marcus Gilmore à la batterie et de Daniel Sadwnicj aux percussions. Le réseau NPR a enregistré le premier set du show de mercredi 10 mars que voici:

mercredi 10 mars 2010

Le Lann nocturne

• Il s'économise, Le Lann, Eric de son prénom, trompettiste de passion. À sa manière, il est une contradiction de Lee Konitz ou Paul Bley côté production. De-que-cé? Il n'aligne pas trois ou cent albums par an. Mais quand il en sort un, c'est la joie comme dans y'a de la joie. Toujours est-il qu'il y a peu, le Breton s'est acoquiné avec trois Américains qui ne sont plus des jeunesses sans être pour autant des vieux de la vieille. Soit le pianiste David Kikoski, le contrebassiste et producteur de la session Douglas Weiss, ainsi que le batteur Al Foster, qui fut dans les années 70 l'espion de Miles Davis. Oui, oui... l'espion! Lorsque ce dernier avait décidé de se mettre entre paranthèses, c'est Foster, avec la complicité de Gil Evans, qui rapportait au maître des All Blues les nouvelles de la scène musicale.
• Bon, de quoi s'agit-il? Le Lann vient de publier un album sans nom particulier sur l'étiquette française Plus Loin Music, qui a succédé, pour ainsi dire, au label Nocturne ayant sombré corps et biens lors de la tourmente qui a ratiboisé quantité de petites compagnies. À moins que l'on soit totalement dans le champ comme dans les patates, ce qui se pourrait fort bien, cet album serait le premier à paraître sur Plus Loin Music.
• Bien, et l'album, direz-vous? Il est coton. Oui, oui... c'est de la ouate de grande qualité. Drôlement bien tissée, drôlement bien ficelée. Le résultat est d'autant plus remarquable, convaincant et séduisant que la plupart des morceaux proposés ont été écrits par un Le Lann ayant acquis une telle maturité qu'il s'est affranchi des genres ou styles. Comme s'il avait décidé d'effectuer un décloisonnement. Comme s'il avait décidé d'emprunter ceci à Davis, cela à Chet Baker, une grosse pincée à Art Farmer et une autre à Woody Shaw pour en faire une alchimie qui lui soit propre. Avec ce disque, Eric Le Lann se pose en classique dans le sens élégant du terme et non antique.
• P.-S.: on a trouvé notre copie chez Archambault-Berri. Le prix? 25 $ sans les taxes. Comme Plus Loin Music a un représentant à Montréal, ça s'obtient facilement.
• N.B.: dans le vidéo ci-dessous, Le Lann joue Yesterdays, le standard de Jérôme Kern, avec Billy Hart à la batterie et non Foster, ainsi qu'avec Thomas Bramerie à la contrebasse et non Weiss.

dimanche 7 mars 2010

In memoriam: James Williams

• Bonne idée! Histoire de rappeler les grandes heures du pianiste James Williams, un autre pianiste vient de rassembler autour de lui cinq instrumentistes. Le pianiste? Mulgrew Miller, qu'on voit moins sur scène aujourd'hui parce qu'il enseigne davantage qu'hier. Toujours est-il qu'il a fait appel au saxophoniste Dave Demsey, au flûtiste, clarinettiste, saxophoniste Bill Easley, au trompettiste Bill Mobley, au contrebassiste Ray Drummond et au batteur Rodney Green pour mieux ponctuer, à leur façon, les compositions, les arrangements et le style de Williams.
• Williams vient de Memphis. Il vient d'une ville qui a donné au jazz, façon de causer oralement évidemment, Phineas Newborn, dans l'ordre du temps, Harold Mabern (Yes!), George Coleman, Charles Lloyd (Re Yes!), Frank Strozier... Et alors? De ces derniers voisins, il fut celui qui s'attela avec le plus de méticulosité à mettre en relief la palette gospel — sacré nom de Dieu! — que les musiciens de Memphis, Tennessee, ont imprimée sur la note bleue si athée à son origine.
• Williams fut un Jazz Messenger. Miller le fut et le reste. Mabern également. Il y a peu, Miller a donc décliné le bonne parole revue mais pas corrigée par Williams. Mabern en a fait tout autant à Paris dans un club au nom contredisant certains principes républicains. On vous propose une retransmission du show du premier capté par NPR et un extrait du show du deuxième au Duc des Lombards.