jeudi 4 mars 2010

Le mois du Upstair's

• L'affiche composée par le Upstair's pour le mois de mars se conjugue avec des éclaireurs de la scène new-yorkaise. Demain, le saxophoniste Tony Malaby va prendre la direction de Montréal où il se produira, dans la soirée évidemment, avec le trio de la pianiste Marianne Trudel. Samedi aussi, ils occuperont la scène du Upstair's. Après lui, la batteur Matt Wilson, le contrebassiste Larry Grenadier et le guitariste Peter Bernstein accompagneront également des musiciens montréalais dans la cadre de Jazz en rafale.
• Tony Malaby... Ce qu'on apprécie beaucoup chez lui, c'est d'abord ce son sculpté dans le lourd, le profond. Mettons qu'il est plus Sonny Rollins que Chris Potter. Rien de sec, rien d'évanescent. Il a un côté franc du collier. Quelque chose de rugueux et de volontaire qui contraste avec les sempiternelles retenues nordiques de ECM. Bref, il a UN son. Une palette qui lui vient de sa longue fréquentation d'agrégés en improvisation: Paul Motian, Charlie Haden dans sa version Liberation Music Orchestra, Mark Elias, Michel Portal, Daniel Humair, Fred Hersch et bien d'autres.
• Au cours d'un entretien téléphonique, il a longuement expliqué comment et pourquoi il aimait l'improvisation. Dit autrement, il est enclin à l'aventure, l'aventure risquée. Il joue dans l'instant parce que jouer en solo dans une salle du Mans en France, ce n'est pas comme jouer en solo à Minneapolis. Tout lieu proposant des caractéristiques bien trempées, il faut selon lui s'adapter. Si vous avez la fibre de la curiosité bien prononcée et que vous appréciez être parfois déstabilisé, alors son album Voladores, publié récemment par l'étiquette Clean Feed Records, devrait vous combler. Le voici jouant dans le cadre de l'Electric Bop Band de Motian.

mardi 2 mars 2010

Sacré Bill Wyman!

• Bon, on sait que Bill Wyman fut le bassiste des Rolling Stones pendant, quoi? Une trentaine d'années. On sait trop peu que cet archéologue plus qu'amateur — il a conçu avec des technos un détecteur de métal —, que ce grand ami du peintre Marc Chagall à qui il a consacré un DVD-CD, est le fondateur-animateur- patron du groupe le plus captivant que la Mère Albion nous ait fourgué au cours des quinze dernières années.
• C'est bien simple, lui et le guitariste Terry Taylor, le chanteur et organiste Georgie Fame, le guitariste Albert Lee, le batteur Graham Broad, les saxophonistes Nick Payne et Frank Mead, la chanteuse Beverley Skeete, et occasionnellement le pianiste et chanteur de Procol Harum Gary Brooker savent tout faire, tout jouer: le vieux blues, le vieux jazz, le swing, le rock, etc. À travers cinq albums en studio et autant de live, ils déploient un savoir-faire qui se confond avec le plaisir, le plaisir de jouer ceux qu'ils ont envie de jouer. Et alors? Sur son site, celui qu'on surnommait l'entrepreneur de pompes funèbres vient de réactualiser une pièce de J. J. Cale: Anyway The Wind Blows.

Les hommes d'honneur

• Les hommes d'honneur s'appellent J. D. Allen, saxophoniste ténor, Danny Grissett, pianiste, Dwayne Burno, contrebassiste, Gerald Cleaver, batteur. L'éclaireur de la bande se nomme Jeremy Pelt, trompettiste. Les uns et les autres se fréquentent dans des formations à géométrie variable depuis plusieurs années. Autrement dit, musicalement causant, ils évoluent davantage dans le territoire de la complicité que dans celui de la simple connaissance.
• Toujours est-il qu'après une décennie d'enregistrements parus sur diverses étiquettes, le label High Note a mis Pelt sous contrat. Aujourd'hui, lui et ses gardiens de notes denses conçues par leurs grands aînés pour exprimer une rage politique dont désormais on oublie trop souvent le bien-fondé proposent un album intitulé The Men Of Honor. Dès les premières notes du premier morceau, Backroad, on a tracé une diagonale, on osera dire naturellement, entre ces hommes d'honneur d'aujourd'hui et les messagers du jazz d'hier. Avec cette production, Pelt et ses amis se posent en effet comme les intendants sourcilleux, à juste titre d'ailleurs, des enclaves défrichées par Art Blakey et Horace Silver.
• À l'évidence, Pelt et ses compagnons observent le devoir de mémoire à l'égard de Blakey-Silver parce que le combat que ces deux-là ont mené, avec d'autres évidemment, doit être poursuivi quand on songe qu'ici et là, dans le monde dit confortable, une réactualisation de la ségrégation qui ne dit pas son nom est en cours. On entend déjà, et à notre tour on rage, les critiques qui vont taxer ces hommes encore jeunes de «conservateurs», le petit-bourgeois adorant jeter l'anathème pour se dédouaner.
• Dans cette histoire, le meilleur est certainement ceci: nos hommes d'honneur ont composé toutes les pièces de ce disque. Puis? C'est virevoltant ici, intense là, et jamais, jamais, ennuyeux. Chapeau!
• P.-S.: dans le vidéo ci-après, on peut entendre Pelt jouer en compagnie du saxophoniste Joe Lovano Milestones de Miles Davis avec le big band de Bob Belden.

dimanche 28 février 2010

Le cousin de Monk: Sun Ra

• On aime, on adore Sun Ra. Tellement, qu'on lui en veut quelque peu. Parce que, derrière ce paravent fait de science-fiction touillée dans le fait-tout de l'astrologie, se cache un pianiste singulier, autrement dit un pianiste ayant du caractère, de la personnalité. Un pianiste ensorcelé par l'originalité. Qui plus est, ce diable d'esprit composa, arrangea, à chaque miette de temps qui lui fut accordée, des pièces qui concentrent en une avenue tous les carrefours du jazz et du blues. Oui! Du blues. Il était et demeure le contemporain essentiel de Monk et de Duke Ellington.
• Toujours est-il qu'on vient de re-faire l'acquisition de Purple Night, un des deux albums que le Roi-Soleil, version américaine de Philadelphie, avait confectionnés pour l'étiquette A&M. Évidemment, les saxophonistes John Gilmore et Marshall Allen, le tromboniste Julian Priester, le flûtiste et altoiste James Spaulding ainsi qu'une quinzaine d'instrumentistes sont de la partie, dont Don Cherry (Yes!) à la trompette et John Ore... qui fut le contrebassiste de Thelonious Sphere Monk. Cet album est un régal version joyeuse.

12 $ plutôt que 20 $ et davantage

• C'est une histoire de prix. Pas celui des hommages ou des récompenses, mais bien celui du revient. Le prix de revient. Voilà, il y a deux ou trois ans de cela, l'étiquette française Nocturne s'est attaquée, elle également, à la réédition de morceaux braisés il y a des lunes par Count Basie, Duke Ellington, Jimmie Lunceford, John Kirby et d'autres, en demandant au caricaturiste Cabu d'orner les pochettes de ses productions.
• Jusqu'à présent, du moins pour nous à Montréal et à Québec, la très grande majorité des disquaires ont imprimé, pour ne pas dire imposé, des prix à faire pâlir d'envie la déesse maléfique de l'inflation. Mais voilà-t-il pas qu'à la faveur de notre épicerie musicale hebdomadaire, on a constaté que La Bouquinerie du Plateau, 799, Mont-Royal Est, proposait plusieurs albums de cette série à un prix de moitié inférieur à celui qu'exigent, c'est le cas de le dire, les grandes chaînes. Ce qui précède n'est pas une «plogue» mais relève bien de l'hygiène financière. Because, on prend encore et toujours le consommateur pour un cochon de payant.