• Pour bien saisir la somme, au demeurant colossale, du travail accompli par Caratini et ses quatorze complices, il faut s'arrêter à la géographie de cette histoire. À l'aube du XXe siècle, les gardes champêtres des musiques africaines, indiennes, de la polka et autres ont fait l'alchimie de ces échos sonores à La Nouvelle-Orléans, au Congo Square plus exactement? Eau quai! Caratini conclut son album par la Petite fleur de Sidney Bechet.
• À la fin des années 40, Dizzy Gillespie endosse la blouse du chimiste des rythmes cubains et du bebop? Ok! Caratini reprend à son compte Tin Tin Deo et surtout Manteca que Dizzy avait concoctés avec Chano Pozo, l'initié aux rites, voire secrets, des Cubains à la peau noire. Le reste? C'est là que Caratini se distingue de ses aînés comme de ses contemporains.
• C'est tout simple, ce qu'il nous propose c'est la suite des épisodes écrits par ceux évoqués plus haut. Après un retour à Cuba, le contrebassiste s'est métamorphosé en éclaireur de territoires sonores enclavés ici et là en Amérique du Sud. Le but, voire l'ambition? Conjuguer les rythmes afro-cubains avec les palettes musicales des Indiens d'Amazonie ou des Antilles et autres lieux où le génie des lieux est un chaman qui siffle avec constance.
• Dans le livret qui accompagne cet enregistrement réalisé en public, Caratini se fait pédagogue. Ainsi, à propos du morceau Alaro de yemaya, il explique: «Pour les Yoruba, Yemaya est la divinité des océans, des voies empruntées par les caravelles des conquistadors, les bateaux négriers des trafiquants de bois d'ébène et les Mayflower des migrants...»
• Autre exemple, en ce qui concerne Nina il confie: «La trompette déploie son chant sur un Yambu de Matanzas joué par la clave et les cajones...» Bref, le moteur de chacune des pièces est dévoilé. Cela étant, il faut souligner que, pour piloter au fil des méandres que suppose cette aventure, il a invité trois percussionnistes très versés en déclinaisons rythmiques développées à l'ombre des chaleurs. Soulignons que le Jazz ensemble c'est notamment Manuel Rocheman au piano, André Villéger aux saxos et à la clarinette, Denis Leloup au trombone, Claude Egea et Pierre Drevet aux trompettes.
• Latinidad est le disque du courage. Celui qui a consisté à tracer une diagonale entre le territoire défriché par Dizzy et consorts et des espaces méconnus ou si peu. Caratini, c'est la version laïque, civilisée, de David Livingstone.
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